Le cabinet Myriam DELONCA invite ici Maître Stéphanie MANTIONE avocat au Barreau de Lyon. Suite à la clarté de son dernier article sur la réforme de la procédure de divorce par consentement mutuel, son article est ici repris dans son intégralité.
Au printemps dernier, les discussions sur le projet de loi sur la justice du XXIe siècle a fait parler de lui suite à la réforme envisagée du divorce par consentement mutuel dit amiable.
Le Ministre de la Justice, Jean-Jacques URVOAS déposait le 4 mai 2016, en toute discrétion, un amendement N°CL186 tendant à déjudiciariser la dissolution du mariage auprès de la commission des lois de ladite assemblée.
Le 12 octobre dernier, la loi a été adoptée à l’issue de longs débats : elle permet ainsi au divorce par consentement mutuel de prendre une nouvelle forme sans juge, ni juridiction.
Bien que le texte ne soit pas encore promulgué, la réforme entrera en vigueur le 1er janvier 2017.
Dès cette date, les pratiques juridiques s’en trouveront modifiées au bénéfice du justiciable qui n’aura plus à souffrir des délais d’audiencement du Juge aux Affaires Familiales.
Mais comment s’organisera donc cette procédure innovante dont l’objectif est de simplifier le divorce amiable pour des époux et de libérer le Juge de la charge de l’homologation de leurs accords ?
Le nouveau formalisme du divorce par consentement mutuel :
L’article 50 de Loi de modernisation de la justice du XXIe siècle pose le principe que « les époux peuvent consentir mutuellement à leur divorce par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire ».
A compter du 1er janvier 2017, la convention de divorce ne sera donc plus soumise à l’homologation du Juge aux Affaires Familiales : elle échappera au contrôle juridictionnel.
Elle sera cependant encadrée par l’intervention du notaire qui l’enregistrera afin de lui donner date certaine et force exécutoire avant qu’il ne soit procédé aux démarches de transcription sur les actes d’état civil.
Mais le Notaire ne sera pas rédacteur de l’acte mais simplement réceptionnaire de celui-ci, déposé au rang de ses minutes.
Sa prestation devrait être soumise à un droit fixe s’élevant à la somme de 50,00 euros.
Le Notaire sera également en charge du contrôle du respect des exigences formelles et de la parfaite application du délai de réflexion imposé aux parties par l’article 229-4 du Code Civil.
La convention de divorce doit, en effet, comporter à peine de nullité un certain nombre de mention expressément visées : les nom, prénoms, profession, résidence, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des époux, la date et le lieu de mariage, ainsi que les mêmes indications, le cas échéant, pour chacun de leurs enfants.
L’accord doit aussi prévoir les modalités du règlement complet des effets du divorce et notamment l’éventuel versement d’une prestation compensatoire à l’un ou l’autre des époux.
La convention de divorce déjudiciarisé ne se différencie guère de celle du divorce judiciaire puisque chaque question que suscite la dissolution du mariage y sera abordée et réglée par l’accord des parties.
Comme c’est le cas actuellement, la convention prévoira donc l’état liquidatif du régime matrimonial : à l’issue des discussions et des paraphes, le sort de l’ensemble des biens du couple sera définitivement fixé.
Quant à la situation des enfants, elle sera également déterminée tant sur les modalités de résidence et/ou de l’exercice du droit de visite et d’hébergement des enfants que sur la fixation de la pension alimentaire.
Rappelons qu’en application de l’article 373-2-9 du Code Civil, le principe de la résidence des enfants mineurs en cas de séparation est celui de la résidence alternée.
Le rôle de l’avocat dans le nouveau divorce par consentement mutuel :
Privé de juge, le divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée est accompagné par deux auxiliaires de justice.
L’Avocat qui jusqu’alors était metteur en scène de la procédure de divorce par consentement mutuel, en devient également l’auteur et le script.
Tout au long du processus, il sera en charge d’accompagner, d’informer et de conseiller les époux dans la mise en œuvre de leur volonté de divorcer.
Mais si aujourd’hui les époux entendent divorcer par consentement mutuel et font établir une convention en ce sens, ils peuvent n’être représentés que par un seul et unique avocat.
Demain, un tel choix ne sera bientôt plus possible.
A compter du 1er janvier 2017, le nouvel 229-1 du Code Civil imposera à chacun des conjoints d’être assisté par un avocat, son avocat.
La simplification de la procédure de divorce ni gracieuse ni contentieuse ne doit pas faire oublier que chaque effets de la rupture est discuté avant d’être consentie.
Les intérêts de chacun des époux doivent donc protégés pour permettre aux échanges de se dérouler sans risque de pression.
Ainsi, lorsque les parties se seront accordées, les deux avocats seront chargés de procéder à la rédaction de la convention de divorce qui prendra la forme d’un acte sous seing privé contresigné par eux.
L’article 1374 du Code Civil issu de la récente ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 dispose « l’acte sous signature privée contresigné par les avocats de chacune des parties (…) fait foi de l’écriture et de la signature des parties, tant à leur égard qu’à celui de leurs héritiers ou ayants cause ».
Une fois la rédaction achevée, l’avocat adressera à son client le projet de convention par lettre recommandée avec accusé de réception.
De cette diligence, naitra le délai de réflexion imposé aux parties par l’article 229-4 du Code Civil prescrit à peine de nullité : cette démarche est aussi indispensable qu’elle est fortement sanctionnée.
Elle va permettre aux époux de disposer de quinze jours à compter de la réception de la convention pour la relire, l’étudier, l’appréhender, parfois la digérer et en accepter les termes avec sérénité et sans empressement.
Ce n’est qu’à l’expiration de ce délai que les conjoints pourront signer le dernier acte de leur union, celui qui y met fin.
Les cas d’exclusions du nouveau divorce par consentement mutuel :
Malgré la simplification, le divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats n’est pas à la portée de tous les couples qui se quittent : il ne peut donc intervenir dans toutes les situations.
Dans sa rédaction, le nouvel article 229-2 du Code Civil prévoit deux cas dans lesquels le recours au juge demeure un principe immuable :
Tout d’abord, tel est le cas lorsque le mineur, informé par ses parents de son droit à être entendu par le juge demande son audition par celui-ci.
Selon l’article 388-1 du Code Civil, « dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande ».
Le législateur a placé sa confiance dans les parents pour assurer l’exécution de l’obligation d’information du mineur de cette prérogative, et non plus dans le juge.
La convention de divorce devra porter mention que cette information a été donnée et que l’enfant ne souhaite pas faire usage de cette faculté.
Lors des débats parlementaires, le Défenseur des Droits n’avait pourtant pas manqué de souligner l’absence de garanties assurant l’effectivité du droit pour l’enfant à être entendu par le juge.
Mais malgré les critiques que l’amendement du 4 mai 2016 suscitait, le divorce par consentement mutuel par acte sous signature privée n’exclura pas les couples dont l’union a donné naissance à des enfants.
Pour autant, l’audition du mineur capable de discernement, indicateur d’un éventuel mal être de l’enfant, imposera un retour à la dissolution judiciaire du mariage bien qu’amiable.
Ensuite, tel est le cas lorsque l’un des époux, assisté dans son quotidien et/ou sa gestion, se trouve placé sous un régime de protection.
Il convient de préciser qu’en application de l’article 249-4 du Code Civil, « lorsque l’un des époux se trouve placé sous l’un des régimes de protection prévus au chapitre II du titre XI du présent livre, aucune demande en divorce par consentement mutuel ou pour acceptation du principe de la rupture du mariage ne peut être présentée ».
Cette cause d’exclusion concernant les majeurs protégés ne pouvait dès lors que s’imposer.
Dans tous les cas, il apparait que l’une et l’autre de ces situations répond au principe de protection des personnes vulnérables.
Qu’il s’agisse des mineurs frappés d’incapacité ou des incapables majeurs placés sous sauvegarde de justice, curatelle ou tutelle, le divorce de leurs parents ou le leur sera judiciaire ou ne sera pas.
Quant aux époux qui s’accordent en cours de procédure sur la dissolution du mariage et ses effets, le législateur a prévu une passerelle pour sortir du palais.
Comme pour le divorce par consentement mutuel judiciaire, les époux peuvent, à tout moment divorcer par consentement mutuel par acte sous signature privée contresigné par avocats, déposé au rang des minutes d’un notaire.
Dans quelques semaines, la réforme entrera en application et dans quelques mois, le divorce amiable sans juge sera le principe
Il convient de souligner que le Législateur a répondu par la simplification à une demande des couples fondé sur le constat statistique qu’en 2010, 54 % des divorces prononcés en France étaient des consentements mutuels.