Vous êtes pacsés, mariés, concubins l’adoption de l’enfant de votre partenaire est-elle envisageable ?
A la suite d’un article sur les changements de l’état civil (la loi bioéthique du 2 août 2021 https://myriamdelonca-avocat.com/les-grands-changements-de-letat-civil/), je reviens sur ce sujet. Cet article a été co-rédigé avec Melle Emma TIGNAT, juriste en Droit de la Famille et des modes amiables.
La procédure d’adoption est sur le point d’être réformée.
POINT ACTUALITE LE DROIT ÉVOLUE :
Seuls les couples mariés peuvent adopter, créant un fossé avec les couples pacsés ou en concubinage qui peuvent également justifier d’un vrai projet parental. Il semble que notre système juridique ait (enfin) pris en compte ce retard sur notre société en votant au Parlement le projet de réforme de l’adoption mardi 8 février 2022.
Ainsi, l’adoption plénière sera ouverte pour tous les couples âgés de 26 ans et non plus 28, justifiant d’une vie de couple d’un an minimum. Le projet de réforme abroge également les mots “père” et “mère”.
Nous sommes en attente de l’adoption de la loi.
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REVENONS SUR LE CADRE JURIDIQUE DES ADOPTIONS EN FRANCE :
Deux types d’adoptions sont possibles en France :
L’adoption de l’enfant de son conjoint est possible en France pour les couples mariés ayant une différence d’âge avec l’enfant de 10 ans (article 346 du Code civil) et justifiant d’un réel projet parental.
Deux choix s’offrent aux couples :
- L’adoption plénière
- L’adoption simple
L’ADOPTION PLENIERE
L’adoption plénière : (articles 343 à 359 du Code civil) permet d’établir un lien de filiation avec l’enfant qui n’en a pas déjà un à la suite d’une absence de reconnaissance ou d’un décès par exemple
Les conditions :
L’enfant doit obligatoirement avoir au maximum 15 ans et vivre au foyer de l’adoptant depuis au moins 6 mois. Une exception est prévue par les textes lorsque les conditions de l’adoption sont réunies après les 15 ans de l’enfant.
Les conséquences :
L’adoptant (l’époux du conjoint en l’espèce) se substitue à ce manque de filiation et entraîne toutes les conséquences d’un lien de filiation “classique” : tout lien avec sa “famille de sang” est rompu ; le nom de l’adoptant peut être transmis ; l’autorité parentale lui est conférée…
Attention : l’adoption plénière est irrévocable, le projet parental se doit donc d’être sans failles, l’adoption entraînant des conséquences considérables pour l’enfant et pour l’adoptant. En effet, l’adoption plénière a pour effet la rupture définitive avec la famille de sang, l’acte de naissance original de l’enfant est ainsi réputé nul.
Concernant la vocation successorale, elle s’exerce entre l’enfant et l’adoptant comme une filiation “normale”, l’enfant du conjoint va hériter de son parent adoptant en tant qu’héritier réservataire et l’adoptant héritera également de l’enfant s’il décède.
Ils sont tous deux bénéficiaires d’une obligation alimentaire lorsque l’enfant ne peut pas encore subvenir à ses besoins seul et lorsque l’adoptant, par la vieillesse est affaibli ou en état de besoin. Le conjoint adoptant détient l’autorité parentale, à ce titre il décidera conjointement avec l’autre parent des mesures et choix concernant la vie de l’enfant mineur. Les adoptants doivent donc éducation, entretien, nourriture et responsabilité parentale envers l’adopté comme chaque parent.
Comment adopter ?
La procédure :
Avant toute démarche devant les juridictions, pour adopter l’enfant de son conjoint il faut évidemment le consentement du parent biologique.
Le consentement de l’enfant sera également nécessaire lorsqu’il est âgé de plus de 13 ans.
Tous ces consentements seront recueillis par devant notaire.
Le conjoint ayant donné son consentement peut encore le retirer sous deux mois.
Une fois ce délai écoulé, le notaire délivrera un certificat de non-rétractation.
Une requête en adoption plénière de l’enfant du conjoint devra ensuite être déposée auprès du Tribunal Judiciaire du lieu de résidence de la famille. La représentation par avocat n’est pas nécessaire dans cette procédure sauf si l’enfant a été recueilli après ses 15 ans.
Peut-on adopter un majeur ?
Deux exceptions sont prévues par les textes pour permettre d’adopter l’enfant de son conjoint majeur. Deux situations sont envisageables :
- L’enfant a été accueilli par le couple avant ses 15 ans et les conditions de l’adoption n’étaient pas remplies durant cette période.
- L’enfant a été adopté en forme simple avant ses 15 ans.
L’ADOPTION SIMPLE
L’adoption simple (articles 363 à 370-2 du Code civil) ajoute seulement un lien de filiation à ceux que détient déjà l’enfant. Une sorte de troisième parent s’ajoute pour l’adopté. Les conséquences juridiques et les conditions à remplir sont de ce fait moindres.
Vous devez remplir les 2 conditions suivantes :
- Être marié, lié par un Pacs ou en concubinage avec le parent de l’enfant
- Avoir au moins 10 ans de plus que l’enfant
- S’il y a de justes motifs, le tribunal peut prononcer l’adoption lorsque la différence d’âge est inférieure à 10 ans (enfant délaissé par le père et élevé par le beau-père par exemple).
Les conséquences :
Le nom de l’adoptant peut s’ajouter à celui ou ceux qu’a déjà l’enfant. L’adopté conserve tous ses droits dans sa famille d’origine, il héritera ainsi de ses trois parents. L’adoptant dispose des droits dévolus par l’autorité parentale mais ce n’est pas systématique, le juge l’appréciera. Une obligation alimentaire se crée entre l’adoptant et l’enfant.
Attention : ici, l’adoption peut être révoquée à la suite de motifs graves.
Comment ?
Ici encore, le consentement des parents biologiques est requis lorsque la filiation de l’enfant est établie à l’égard des deux parents. Si l’un des deux parents ne peut manifester sa volonté, le consentement d’un seul est suffisant.
Il faudra déposer une requête d’adoption auprès du Tribunal Judiciaire tout comme l’adoption plénière. Là encore, la représentation par avocat n’est pas obligatoire sauf si l’enfant a été recueilli après ses 15 ans.
Peut-on adopter un majeur ?
Il est tout à fait possible d’adopter en forme simple un majeur, son consentement sera alors nécessaire. L’avantage de l’adoption simple d’un majeur est qu’elle peut être faite par un couple non marié : Pacs ; concubinage.
Il est donc très important de connaître tous les tenants et les aboutissants du système d’adoption français.
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QUE SE PASSE-T-IL A L’ETRANGER ?
Exemple de l’adoption d’un majeur en Espagne.
L’Espagne n’autorise que très peu d’adoptions de majeurs.
Ce type d’adoption n’est légal que dans un cas unique : lorsque l’adopté a vécu continuellement chez la famille depuis ses 14 ans au maximum et jusqu’à son émancipation ou sa majorité.
Mais les tribunaux espagnols ont accordé une demande d’adoption d’un majeur dans des conditions particulières, bien que contestée par le Parquet espagnol.
Revenons sur le cas d’espèce :
En l’espèce, un petit garçon étranger a été placé de temps à autre dès l’âge de 7 ans chez un couple espagnol pour qu’il puisse accéder à des soins médicaux.
Il y retournait régulièrement pour les vacances puis a habité avec eux afin de faire ses études. Une relation parents/enfant s’est ainsi installée.
Désormais majeur, le couple espagnol a formé une demande d’adoption, contestée par le Procureur au titre qu’il ne remplissait pas la condition posée par les textes et que cette adoption emporterait de lourdes conséquences pour la famille biologique. Le Tribunal de Badajoz a cependant accédé à la demande du couple.
Un appel fut interjeté par le Parquet mais rejeté par la Cour d’appel au motif que les conditions l’article 175.2 du Code civil étaient remplies : « Seuls les mineurs non émancipés peuvent être adoptés. Par exception, l’adoption d’un majeur ou d’un mineur émancipé sera possible lorsque, immédiatement avant l’émancipation, il existe une situation de placement familial avec les futurs adoptants ou de coexistence stable avec eux depuis au moins un an.”
Cette solution a permis de reconnaître légalement le lien familial qui s’est tissé entre le couple et l’enfant.
Source : https://www.economistjurist.es/casos-juridicos-reales/demanda-de-solicitud-de-adopcion-a-mayor-de-edad/
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CAS PARTICULIER LES COUPLES DE FEMMES AYANT RECOURS À UNE PMA :
Vous êtes un couple de femmes ou une femme seule, depuis de l’entrée en vigueur la loi bioéthique du 29 juin 2021, votre filiation avec vos enfants issus de PMA est simplifiée.
Désormais, la mère d’intention (c’est à dire la mère non biologique) n’aura plus à subir le long processus de l’adoption de l’enfant désiré comme « adoption de l’enfant du conjoint ».
Que votre enfant soit né en France ou à l’étranger le procédé sera identique et permettra d’établir rapidement la filiation. Il suffira de solliciter une reconnaissance conjointe auprès d’un notaire pour établir la filiation dès la promulgation de la loi.
Cette reconnaissance conjointe sera déposée lors de la naissance de l’enfant accompagnée du certificat d’accouchement et les deux mamans seront alors inscrites directement sur le même livret de famille, en tant que parents de l’enfant né.
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LE REGARD DU PROFESSIONNEL :
Le cheminement de la filiation est plus court et plus simple, mais repose sur des conditions précises.
LOI N° 2021-1017 DU 2 AOÛT 2021 RELATIVE À LA BIOÉTHIQUE, JOURNAL OFFICIEL N°0178 DU 3 AOÛT 2021.
L’article L. 2141-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 2141-2. – L’assistance médicale à la procréation est destinée à répondre à un projet parental. Tout couple formé d’un homme et d’une femme ou de deux femmes ou toute femme non mariée ont accès à l’assistance médicale à la procréation après les entretiens particuliers des demandeurs avec les membres de l’équipe médicale clinicobiologique pluridisciplinaire effectués selon les modalités prévues à l’article L. 2141-10.
« Cet accès ne peut faire l’objet d’aucune différence de traitement, notamment au regard du statut matrimonial ou de l’orientation sexuelle des demandeurs.
« Les deux membres du couple ou la femme non mariée doivent consentir préalablement à l’insémination artificielle ou au transfert des embryons.
« Lorsqu’il s’agit d’un couple, font obstacle à l’insémination ou au transfert des embryons :
« 1° Le décès d’un des membres du couple ;
« 2° L’introduction d’une demande en divorce ;
« 3° L’introduction d’une demande en séparation de corps ;
« 4° La signature d’une convention de divorce ou de séparation de corps par consentement mutuel selon les modalités prévues à l’article 229-1 du code civil ;
« 5° La cessation de la communauté de vie ;
« 6° La révocation par écrit du consentement prévu au troisième alinéa du présent article par l’un ou l’autre des membres du couple auprès du médecin chargé de mettre en œuvre l’assistance médicale à la procréation.
« Une étude de suivi est proposée au couple receveur ou à la femme receveuse, qui y consent par écrit.
« Les conditions d’âge requises pour bénéficier d’une assistance médicale à la procréation sont fixées par décret en Conseil d’Etat, pris après avis de l’Agence de la biomédecine. Elles prennent en compte les risques médicaux de la procréation liés à l’âge ainsi que l’intérêt de l’enfant à naître.
« Lorsqu’un recueil d’ovocytes par ponction a lieu dans le cadre d’une procédure d’assistance médicale à la procréation, il peut être proposé de réaliser dans le même temps une autoconservation ovocytaire. ».
Dans ces conditions, l’adoption sur reconnaissance conjointe déposée devant notaire, repose OBLIGATOIREMENT pour les couples de femmes sur l’existence d’un parcours de PMA identifié à l’étranger ou en France.
Concrètement, il s’agit d’apporter la preuve du suivi de PMA dans un cadre médical et légalement encadré.
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MAIS QU’ADVIENT-IL DES COUPLES DE FEMMES AYANT RECOURS À UNE PROCÉDURE DITE “ARTISANALE” :
Les procédures de PMA sont parfois longues et souvent compliquées, les couples de femmes ont parfois recours à des mesures artisanales en faisant appel à des donneurs tiers sans l’intervention de professionnels de santé ou de donneurs anonymes.
Cette pratique est illégale, en vertu de l’article 511-9 du code pénal,
« le fait d’obtenir des gamètes contre un paiement, quelle qu’en soit la forme, à l’exception du paiement des prestations assurées par les établissements effectuant la préparation et la conservation de ces gamètes, est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. Est puni des mêmes peines le fait d’apporter son entremise pour favoriser l’obtention de gamètes contre un paiement, quelle qu’en soit la forme, ou de remettre à des tiers, à titre onéreux, des gamètes provenant de dons. »
Par la suite, ces couples de femmes ayant eu recours à ces pratiques d’achat de gamètes n’ont pas la possibilité de mettre en place des liens de filiation automatiques grâce à la reconnaissance conjointe auprès d’un notaire (cf supra).
Alors comment s’établira le lien de filiation de la mère dite “d’intention” ?
Après la naissance de l’enfant, si ce dernier n’est pas reconnu par le géniteur, il ne sera pas possible de mettre en place un processus d’adoption de l’enfant du conjoint développé infra.
En effet, la naissance de l’enfant est issue d’un procédé artisanal et illégal, sanctionné par le Code pénal.
MAIS COMMENT FAIRE POUR CONCILIER MERE D’INTENTION, MERE BIOLOGIQUE ET EVENTUELLEMENT LE GENITEUR ?
La délégation de l’autorité parentale peut être envisagée. La délégation (articles 376 à 377-3 du Code civil) permet de transférer certains ou tous les droits et devoirs dévolus par l’autorité parentale à un tiers. Cette délégation peut être demandée par les ou un seul des parents auprès du Juge aux Affaires familiales.
Mais là encore, il ne s’agit pas d’une délégation automatique. Le Tribunal appréciera la situation dans l’intérêt de l’enfant.
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Je reste à votre disposition pour évoquer votre projet.
Pour tout comprendre retrouvez une vidéo sur ce sujet.
Pour aller plus loin :
https://www.service-public.fr/
https://www.demarches.interieur.gouv.fr/particuliers/adoption